On présente souvent le Fonds monétaire international (FMI) comme un simple organisme d’aide aux pays en crise. Un acteur neutre, technocratique, venu sauver les économies en difficulté. Mais derrière cette image de « banquier bienveillant » se cache un mécanisme mondial d’ingénierie sociale, qui transforme lentement les pays, leurs cultures et leurs valeurs — souvent sans que les peuples eux-mêmes en aient conscience.
L’aide qui change tout
Lorsqu’un pays n’arrive plus à rembourser ses dettes ou à stabiliser sa monnaie, il se tourne vers le FMI. En apparence, l’institution propose une main tendue : un prêt, un plan de redressement, un espoir. Mais cette aide a un prix.
En contrepartie, le FMI exige des « réformes structurelles » : réduction des subventions sur les produits de base, privatisation des services publics, ouverture totale des marchés aux multinationales, flexibilisation du travail, et réorientation de l’éducation vers la « compétitivité ». Des décisions économiques, certes, mais dont les conséquences sont profondément humaines.
En contrepartie, le FMI exige des « réformes structurelles » : réduction des subventions sur les produits de base, privatisation des services publics, ouverture totale des marchés aux multinationales, flexibilisation du travail, et réorientation de l’éducation vers la « compétitivité ». Des décisions économiques, certes, mais dont les conséquences sont profondément humaines.
Quand les chiffres remplacent les visages
Dans le langage du FMI, on parle de « croissance », de « réduction du déficit », de « libéralisation ». Mais sur le terrain, ces mots se traduisent autrement : des familles qui ne peuvent plus acheter le pain subventionné, des malades exclus d’un système de santé devenu payant, des jeunes diplômés formés pour un marché qui les rejette.
Petit à petit, une nouvelle logique s’installe : celle où l’économie devient la fin, et non plus le moyen. La valeur d’une société se mesure à son produit intérieur brut, non à la qualité de sa solidarité. Et cette inversion silencieuse des priorités modifie l’âme même des peuples.
Petit à petit, une nouvelle logique s’installe : celle où l’économie devient la fin, et non plus le moyen. La valeur d’une société se mesure à son produit intérieur brut, non à la qualité de sa solidarité. Et cette inversion silencieuse des priorités modifie l’âme même des peuples.
Le FMI, un missionnaire du modèle libéral où la solidarité devient un coût
Le FMI n’impose pas une religion, mais il diffuse une vision du monde : celle où l’individu est au centre, la performance devient une vertu, et la réussite se compte en chiffres. Ce modèle, né dans un contexte occidental sécularisé, s’exporte ensuite dans des sociétés où la vie reposait sur d’autres fondements : la communauté, la pudeur, le partage, la transcendance.
Ainsi, sous couvert d’efficacité économique, le FMI remplace peu à peu la grammaire spirituelle des sociétés par une grammaire marchande. Le « bien » devient « rentable », le « mal » devient « inefficace ».
Dans la logique du FMI, l’État doit « réduire ses dépenses ». Mais parmi ces « dépenses » figurent les aides sociales, les soutiens aux plus pauvres, les services gratuits. Autrement dit, ce qui, dans une vision islamique, représente l’essence même de la justice et de la miséricorde.
Le Coran nous enseigne : « Ce que vous dépensez de bien, c’est pour vous-mêmes. Vous ne dépensez que pour rechercher le visage de Dieu. » (Sourate La Vache, verset 272) Or, dans le paradigme du FMI, la dépense n’est plus un acte spirituel, mais une erreur comptable. La pauvreté devient un « risque », non une responsabilité fraternelle. La zakat, la sadaqa (aumône) et les waqfs — piliers d’une économie du cœur — sont écartés du modèle officiel au profit de la logique du profit.
Ainsi, sous couvert d’efficacité économique, le FMI remplace peu à peu la grammaire spirituelle des sociétés par une grammaire marchande. Le « bien » devient « rentable », le « mal » devient « inefficace ».
Dans la logique du FMI, l’État doit « réduire ses dépenses ». Mais parmi ces « dépenses » figurent les aides sociales, les soutiens aux plus pauvres, les services gratuits. Autrement dit, ce qui, dans une vision islamique, représente l’essence même de la justice et de la miséricorde.
Le Coran nous enseigne : « Ce que vous dépensez de bien, c’est pour vous-mêmes. Vous ne dépensez que pour rechercher le visage de Dieu. » (Sourate La Vache, verset 272) Or, dans le paradigme du FMI, la dépense n’est plus un acte spirituel, mais une erreur comptable. La pauvreté devient un « risque », non une responsabilité fraternelle. La zakat, la sadaqa (aumône) et les waqfs — piliers d’une économie du cœur — sont écartés du modèle officiel au profit de la logique du profit.
Une perte silencieuse : la transformation des âmes
Ce qui change dans un pays soumis à un programme du FMI, ce ne sont pas seulement les chiffres du budget, c’est le regard que ses habitants portent les uns sur les autres.
Là où régnait la fraternité, on apprend la compétition. Là où on voyait un frère à aider, on voit un « poids économique » Là où la foi orientait les décisions, c’est désormais la rentabilité qui commande.
Cette mutation est subtile, presque invisible. Mais elle finit par façonner des générations pour qui la prière est individuelle, la solidarité optionnelle, et la foi reléguée au domaine privé.
Là où régnait la fraternité, on apprend la compétition. Là où on voyait un frère à aider, on voit un « poids économique » Là où la foi orientait les décisions, c’est désormais la rentabilité qui commande.
Cette mutation est subtile, presque invisible. Mais elle finit par façonner des générations pour qui la prière est individuelle, la solidarité optionnelle, et la foi reléguée au domaine privé.
Revenir à une économie du cœur
L’islam n’a jamais ignoré les réalités économiques. Mais il les a toujours replacées à leur juste place : au service de l’homme, non au-dessus de lui. La justice, la modération et la compassion sont les trois piliers d’un équilibre que les institutions mondiales ont oublié. « Ne cherche pas à corrompre la terre après qu’elle a été réformée. Dieu n’aime pas les corrupteurs. » (Coran, sourate Le Récit, verset 77)
Il ne s’agit donc pas de rejeter le FMI ou l’économie moderne, mais de retrouver la boussole intérieure : celle qui place le cœur avant les comptes, le service avant le profit, et Dieu avant la dette.
Il ne s’agit donc pas de rejeter le FMI ou l’économie moderne, mais de retrouver la boussole intérieure : celle qui place le cœur avant les comptes, le service avant le profit, et Dieu avant la dette.
Reconstruire sans se perdre
Certains pays sortent des plans du FMI avec une économie plus « stable », mais un tissu social profondément abîmé. Car on peut réparer les routes, les banques et les bilans, tout en détruisant les liens, les valeurs et la foi qui faisaient tenir la société debout.
Le vrai développement n’est pas celui qui enrichit le pays, mais celui qui préserve l’âme de son peuple. Et c’est là que réside le défi pour les croyants : rappeler, par la parole et par l’exemple qu’il existe une autre manière de vivre où l’économie reste à sa place — celle d’un outil, non d’un dieu.
Le vrai développement n’est pas celui qui enrichit le pays, mais celui qui préserve l’âme de son peuple. Et c’est là que réside le défi pour les croyants : rappeler, par la parole et par l’exemple qu’il existe une autre manière de vivre où l’économie reste à sa place — celle d’un outil, non d’un dieu.
Et pourtant, l’espérance demeure
Car au fond de chaque être humain réside une lumière que rien ne peut éteindre : la fitra, cette nature originelle que Dieu a déposée dans le cœur de l’homme, l’innéité. Elle peut être recouverte, affaiblie, endormie — mais jamais effacée. À chaque naissance et renaissance, elle est là, pure, intacte, révoltée contre toute forme d’asservissement à autre que le Créateur.
Cette fitra trouve toujours anormale la situation d’un monde qui veut effacer l’Homme ou le soumettre à des idoles modernes. Et les élans de solidarité, de fraternité et d’amour la font vibrer à nouveau, en diapason avec ce qu’il y a de plus noble dans l’humanité.
L’environnement extérieur, façonné aujourd’hui par des égos affamés et jamais assouvis, fournit des efforts colossaux pour maintenir l’homme dans une vision du monde qui contredit son for intérieur. Mais il suffit d’un minimum de conscience, d’un effort, d’une résistance, là où nous sommes, pour réveiller cette fitra et lui permettre de rayonner pleinement. C’est là que réside notre responsabilité : résister sans haine, œuvrer sans désespoir, et éveiller sans relâche ce souffle divin qui, tôt ou tard, reprendra toute sa place.
*****
Première parution sur le site de Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM).
Lire aussi :
Le service en islam, un acte d’adoration et une voie spirituelle
Au-delà de l’apparent : les différentes formes d’aumône ou sadaqa à considérer
Abderrahmane Lahlou : « La zakât joue un rôle dans le développement économique et social »
L'illusion de la production de richesses, l’IDH et la contribution musulmane
Cette fitra trouve toujours anormale la situation d’un monde qui veut effacer l’Homme ou le soumettre à des idoles modernes. Et les élans de solidarité, de fraternité et d’amour la font vibrer à nouveau, en diapason avec ce qu’il y a de plus noble dans l’humanité.
L’environnement extérieur, façonné aujourd’hui par des égos affamés et jamais assouvis, fournit des efforts colossaux pour maintenir l’homme dans une vision du monde qui contredit son for intérieur. Mais il suffit d’un minimum de conscience, d’un effort, d’une résistance, là où nous sommes, pour réveiller cette fitra et lui permettre de rayonner pleinement. C’est là que réside notre responsabilité : résister sans haine, œuvrer sans désespoir, et éveiller sans relâche ce souffle divin qui, tôt ou tard, reprendra toute sa place.
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