Contrôles policiers au faciès : la France condamnée par la CEDH, une première

Par Lina Farelli (avec AFP), le 26/06/2025

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La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a rejeté, jeudi 26 juin, les requêtes de cinq Français poursuivant l'Etat français pour contrôle d’identité discriminatoire. La France a tout de même été condamnée pour ce motif, une première, en reconnaissant le statut de victime à Karim Touil, qui avait subi trois contrôles policiers en dix jours.

Bien que « consciente des difficultés pour les agents de police de décider, très rapidement et sans nécessairement disposer d’instructions internes claires, s’ils sont confrontés à une menace pour l’ordre ou la sécurité publics », la CEDH conclut qu’il existe dans son cas « une présomption de traitement discriminatoire à son égard et que le gouvernement n’est pas parvenu à la réfuter ».

La juridiction, qui estime qu’il n’avait pas été apporté de « justification objective et raisonnable » au choix de contrôler le jeune homme, a ainsi condamné la France pour violation de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, relative à l’interdiction de la discrimination, combiné à l’article 8 concernant le droit au respect de la vie privée et familiale. Pour la CEDH, les contrôles subis par les cinq autres requérants n’avaient en revanche pas été effectués pour des motifs discriminatoires, et ne relève pas l’existence de défaillance structurelle en la matière.

Les six requérants, des Français d’origine africaine ou nord-africaine résidant à Roubaix, Marseille, Vaulx-en-Velin, Saint-Ouen et Besançon, font partie d’un groupe de treize hommes qui s’étaient lancés dans un combat judiciaire pour dénoncer des contrôles au faciès subis en 2011 et 2012.

Après avoir perdu en première instance en 2013, les plaignants avaient fait appel et, en 2015, la cour d’appel de Paris avait donné raison à cinq d’entre eux, condamnant l’Etat pour faute lourde, une première. En 2016, la Cour de cassation avait définitivement condamné l’Etat dans trois dossiers, une première là aussi. Six hommes qui n’avaient pas obtenu gain de cause avaient décidé de porter l’affaire devant la CEDH en 2017, mais seul un cas a finalement été reconnu comme discriminatoire.

Des risques de contrôles d'identité accrus selon l'origine

La proportion de personnes ayant fait l’objet d’un contrôle d’identité a fortement augmenté entre 2016 et 2024, selon une enquête du Défenseur des droits dévoilée mardi 24 juin, pour laquelle 5 030 personnes ont été interrogées. En 2024, 26 % des personnes interrogées ont déclaré avoir été contrôlées par la police ou la gendarmerie au moins une fois au cours des cinq dernières années, contre 16 % en 2016.

Les hommes jeunes et perçus comme arabes, noirs ou maghrébins ont quatre fois plus de risques de faire l’objet d’au moins un contrôle d’identité que le reste de la population et douze fois plus de risques d’avoir un contrôle poussé (fouille, palpation, ordre de partir), révèle cette enquête.

Le Défenseur des droits appelle à cette occasion les autorités à mettre en place un dispositif d’évaluation de la pratique des contrôles d’identité, à mieux l'encadrer ou encore à assurer leur traçabilité des contrôles d’identité « par tous moyens ».

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